Avec :
Georges :
Fiacre
Jacques :
Matthieu Miens
Martine :
Delphine Raclet
Charlotte :
Caroline Maydat
Fred :
Christophe Couturier
Mise
en scène :
Fiacre
Assisté de :
Matthieu Miens
Caroline Maydat
Création lumières
:
R!CJ
Photo affiche :
Gilles Marty du Photo-club de Saint-Pierre-du-Perray
Charte graphique de
l’affiche :
Séverine Séqualino
Le Théâtre du PAX
de Saint-Pierre-du-Perray tient à remercier :
La municipalité de
Saint-Pierre-du-Perray et son service TLC,
Monsieur Abadie de
l’imprimerie Willaume Égret de Saint-Pierre-du-Perray,
Monsieur Gilles
Marty du Photo-club de Saint-Pierre-du-Perray,
Monsieur Éric de France de la société La Flèche.
Messieurs Olivier Dailly et Pascal Plard de l’association
www.perray.com
La scène se passe
à Paris, de nos jours…
Georges
« Ma mère voici le temps venu
De prier pour mon
salut… »
Histoire d’un
retour… Celui de la femme que l’on a jamais cessé d’aimer depuis
l’adolescence. Ce premier amour fort, non obtenu, non consommé, le sens
unique qui traumatise indéfiniment. Charlotte, Charlotte, celle qui a dit
non, il y a dix ans, celle qui m’a appris la limite de l’amour, cette
limite qui reste dans la réponse de l’autre.
Gainsbourg disait
que les amours perdues ne se retrouvent plus. Comme chez Ibsen, on cherche
ailleurs, dans d’autres femmes, celle que l’on a pas eu, mais cela ne
marche jamais, le souvenir nous hante, revient, sous la forme d’une
image, d’un prénom, ou pire encore, d’un désir.
Ce soir, elle
revient, pour ce dîner absurde où je suis forcé d’être, et de ne pas
être. Elle revient comme pour refonder ce vieux groupe d’amis avec
Martine et Jacques. Et surtout Lui, cet homme, une ancienne connaissance
de lycée, à qui elle a dit oui. Lui et elle, mariés, mariés… Elle
revient… comme pour refonder cette ancienne amitié, je la vois déjà
me la reproposer, à moi, qui jamais n’ai voulu être son ami.
Entre ami et mari,
il n’y a qu’un « r » ou qu’un air, celui-ci sent mauvais, comme un
plat laissé pour compte, laissé brûlé, je brûle trop pour elle,
autant rester là, seul, et griller des cigarettes…
Fiacre
Charlotte
10 ans…
Qu’est ce que
vaut une amitié de lycée après dix ans ? .La nôtre surprenait tout le
monde à l’époque… Je me souviens de Martine, fragile, très timide,
soucieuse de plaire, à ses parents, à ses professeurs tout comme à ses
amis. Je n’ai pas du tout
été surprise d’apprendre qu’elle s’était mariée avec Jacques…
plutôt logique comme couple. A l’époque, déjà, Jacques la rassurait
par ses bonnes notes ; tandis que Georges et moi, nous nous amusions à
les taquiner par nos sarcasmes et par notre franc parler…
Eux deux
recherchaient la sécurité .
Alors que nous
deux… Nous revendiquions la vie telle qu’on l’entendait,, on criait
vouloir passer entre les mailles du conformisme et du « qu’en dira t-on
»… Nous étions des gamins écervelés, des grandes gueules, les
meneurs du groupe…
C’était il y a
dix ans…
A 18 ans, j’ai
pris la décision de grandir… J ‘ai dis non.
J’ai dis non à
Georges, à ma jeunesse à mes rêves, et à mes convictions…
L’année du bac
à fait naître en moi une angoisse plus forte que tout ce que j’avais
toujours revendiqué jusque là…. Celle de l’ « après lycée ».
J’ai dis non.
J’ai refoulé mon
besoin de liberté pour être moi aussi sûre de mon avenir.
Alors, j’ai dis
oui à l’autre… C’est aussi égoïste que ça. Mais je sais que
j’ai fait le bon choix, je suis heureuse…
Mais je donnerai
cher pour savoir ce que Georges est devenu…
Caroline Maydat
Jacques
Cette soirée va me rappeler tant de souvenirs…
Bon, cela fait une heure qu’on l’attend pour manger, notre cher
ami… Comme cela fait longuet, j’ai eu le temps de réfléchir et de me
remémorer la belle époque du lycée ; celle où nous avions fait toux
connaissance dix ans plus tôt…
Nous étions inséparables depuis la 2nde 12, Georges et moi. Lui,
toujours ronchon, en conflit avec l’Éducation, en butte contre le monde
entier et moi, calme et effacé, aux notes toujours bonnes, souriant avec
nos profs. Nous nous complétions à merveille. D’ailleurs Georges reste
mon meilleur ami malgré le temps qui a passé.
Et puis notre groupe s’est élargi à trois, avec « Julien
Lepers .» On le surnommait comme ça parce qu’il voulait être présentateur
à la télé. C’est bien le seul de nous trois à avoir accompli son rêve…
Il avait –et il a toujours- beaucoup d’assurance et beaucoup de succès
auprès des filles, même s’il n’accrochait vraiment avec personne.
Quand à Georges, à part sa mère (et encore) aucune fille ne le
supportait et il ne supportait aucune fille.
J’étais le seul à avoir trouvé une petite copine, celle qui
deviendra ma femme : Martine. En fait, c’est plutôt elle qui m’a
trouvé : mes bonnes notes l’impressionnaient, quelque chose en moi la
rassurait… et puis je suis Capricorne et elle m’a dit que mon
horoscope était idéal pour les Taureau de son ascendant. J’ai rien osé
dire… Georges et Martine ne s’entendaient pas trop alors j’évitais
de les voir en même temps. Chacun me reprochait de fréquenter l’autre
! Georges me disait carrément que c’était une dinde, Martine
m’affirmait qu’il était asocial !
Bien sûr, j’essayais de modérer les deux et « Julien Lepers »
m’y aidait.
À part ça, notre trio était indissociable, rien ne semblait détruire
notre harmonie. Qui aurait cru qu’une fille la briserait : Charlotte.
Une grande amie de Martine. Mes deux copains sont tombés amoureux
d’elle… Georges s’est déclaré devant elle en premier mais
Charlotte, comme l’aurait fait la plupart des filles du lycée, a préféré
le présentateur-télé à l’asocial. Ce fut la déchirure entre mes
deux amis et pour moi aussi, il fallait faire un choix.
Pour la première (et dernière ?) fois de ma vie, je suis resté
ferme avec Martine : « Georges est mon meilleur ami, il a une peine de cœur,
je ne lui tournerai pas le dos ! » Je lui ai fait croire que Georges était
ascendant Taureau pour qu’elle accepte ma décision. Bon elle m’a fait
une horrible scène quand elle a su que ce n’était pas vrai mais c’était
trop tard : nous étions à la fac, nous ne voyions plus Charlotte et mon
ancien ami. Martine et moi sommes donc restés en contact qu’avec
Georges puisqu’il est le parrain de mon deuxième enfant (pour le
premier, Martine n’a pas voulu.)
Dix ans plus tard, les revoilà, Charlotte et son présentateur de
mari ! Chez Martine et moi, en présence de Georges ! Je suppose qu’il
n’a pas de rancœur, ce brave Georges ! Enfin je crois… j’espère…
j’imagine… pas après dix ans quand même !
Ce sera fantastique
de nous retrouver tous les cinq ! et si le frère de Martine ne fait pas
de désordre, cette soirée sera des plus réussies. Et puis, un présentateur
de télévision, c’est toujours influent… on ne sait jamais…
Matthieu Miens
Martine
Il y a dix ans, j'étais
au lycée, en terminale.
C'était l'année
du bac, quel souvenir: J'étais hyper-flippée!… C'est aussi l'année où
j'ai rencontré Jacques... mon mari...enfin, le père de mes enfants…
Ah, je me souviens, on traînait toujours avec une bande de copains. On
allait au "Club", boire des chocolats... Il y avait Georges, le
« super » copain de Jacques -bonjour le boulet- et Charlotte, mon ami
Charlotte, la splendide Charlotte...
Charlotte, si
belle, si brillante, si pertinente, si parfaite! Tellement plus que
moi…. Charlotte, la star des soirées qui me traînait inlassablement
derrière elle par gentillesse, politesse, ou simplement par habitude…
Charlotte qui a épousé celui que j'aimais en secret: le président du
Club Journal du lycée.
Il était beau, drôle,
cultivé, et puis, il était à l'aise partout…. Je me rappelle quand il
m'a parlé pour la première fois. J'ai rougi ! J'étais impressionnée,
mais je me suis sentie importante, vivante...
Bon, c'était pour
me demander où était ma copine, celle avec la mini-jupe, Charlotte quoi!
Enfin, c'était il
y a dix ans, et ce soir, je vais enfin le revoir...
Avec Charlotte!
Delphine Raclet
Fred
C'est vraiment une
belle période de poisse pour moi.
Je m'apprête à
passer une charmante soirée en compagnie d'une sœur brailleuse et de son
âne bâté de mari ! Y'a que leurs gosses qui sont sympathiques… enfin,
tant que je ne les vois qu'à petites doses...
Et Georges qui est
le contraire d'un gai…
Cerise sur le gâteau:
une célébrité pompeuse qui vient casser l'ambiance avec sa tête
d'abruti (pour peu qu'il y ait une ambiance !)
Il n'y a que sa
nana que je ne connais pas...on verra bien.
Et comme si ça ne
suffisait pas voilà que je perd une grosse somme d'argent et
qu'"ils" me mettent la pression pour que je paye ma dette ! Ça
commence vraiment à sentir le caramel comme on dit...
Enfin, je devrais
pouvoir encore emprunter un peu d'argent à l'autre zouave de Jacques ! À
moins que je puisse taxer la grande gueule de la télé: après tout il
est plein aux as ! Allez, un peu d'optimisme !
Dans le pire des
cas, si je m'ennuie trop, on devrait pouvoir casser un peu tout le monde
avec Georges: c'est quand même sa spécialité!
Et puis, si y'a
rien à faire pour se marrer un bon coup je rentrerais avec Marilyne... si
elle se décide enfin à arriver !!!
Christophe
Couturier
Avant le
spectacle…
À Caroline Maydat qui m’a prouvé que parfois les oiseaux se
posent sur les statues, ou les petits rochers, pour y faire autre chose
que leurs besoins…
Le Théâtre est avant tout le lieu où les humains se parlent. Se
parlent et nous parlent de la vie puis de la leur, afin de nous ramener à
la nôtre... Après les amours impossibles d’Alceste et de Célimène
dans Le Misanthrope de Molière, nous voulions faire, avec Art de Yasmina
Reza, un cycle sur les amitiés détruites en une soirée, une réflexion
sur une des lois les plus injustes de l’existence : Les amitiés
d’enfance survivent rarement à la trentaine.
Cuisine et dépendances, en cela est une œuvre noire, d’un
comique en filigrane, une vraie comédie de mœurs qui hésite sans cesse
avec le drame intime. L’exagération subtile des caractères nous permet
un rire défensif, plus aisé, afin d’adoucir une identification qui
serait susceptible de nous mettre mal à l’aise. L’égoïsme bourgeois
de Martine, la lâcheté de Jacques, l’aigreur de Georges et
l’uniforme de la femme accomplie de Charlotte, n’ont que trop de
racines dans les vies, les êtres et les facettes de ce qui nous fait.
Toute l’émotion et la richesse de cette pièce passe par le
texte et son interprétation. Nous avons voulu un décor simple, celui
d’une cuisine banale avec uniquement ses accessoires. C’est à Martine
de vous prouver sa bourgeoisie, pas à son intérieur. Un espace large où
les comédiens s’isolent autant dans leur souffrance que dans leurs émotions
et où leurs corps peuvent laisser libre cours à l’hystérie qu’une
soirée partant à vau-l’eau engendre.
L’éclairage dresse des murs entre les caractères et finit de
les séparer puisqu’en définitive, le malheur de cette pièce et de la
vie en général, est que nous ne parvenons que très rarement à nous écouter…
quand à s’entendre…
C’est une pièce qui parle de destruction, et qui en trace un
cercle vicieux. Le rideau se lève sur un homme détruit depuis des années,
rongé par sa bile, une bile ayant pris la place de son sang il y a dix
ans ; et se baisse sur une destruction générale, un effondrement des
valeurs, une erreur générale, un leurre complet, dans lequel se glisse
une note d’espoir qui fait de cette pièce une sorte d’American Beauty
français.
Georges a rendez-vous avec son diable, son passé qui n’a jamais
cessé d’être présent et d’en faire une sorte d’esclave, Georges
n’a pas besoin de haïr pour exister, il hait par nécessité, par souci
de comparaison, pour se prouver que quelque part il a au moins réussi
quelque chose. Georges rêve d’un mieux, au moins une petite pointe
d’amour, avec cette espérance insensée de rattraper le temps perdu.
Charlotte, elle, revient sans avoir jamais su mesurer la portée
des sentiments de celui qu’elle a rejeté.
Et puis il y a Jacques et Martine qui ne se préoccupent que de
leur image de couple modèle et Fred qui ne se préoccupe de rien.
Enfin ceux qu’on ne voit pas, qui ne sont que mentionnés dans la
bouche des personnages présents, Lui, mari de Charlotte, self-made man
parfait et Marylin, petite amie de Fred, les derniers ingrédients de
cette soupe à la grimace que nous tâcherons de vous servir, ce soir, brûlante.